Le débat sur la définition des « diamants de conflits » continue de susciter des tensions au sein de l’industrie diamantaire et des organisations internationales. Le récent conclave du Processus de Kimberley (KP), tenu à Dubaï du 12 au 15 novembre, a ravivé les controverses, notamment autour des implications des diamants russes dans le conflit en Ukraine. Les divergences entre les parties prenantes, exacerbées par les critiques émanant des États-Unis, de l’Union européenne et d’acteurs africains, illustrent les défis auxquels est confronté cet organisme chargé de réguler le commerce des diamants bruts.
Critiques envers le Processus de Kimberley
Le département d’État américain a publié le 22 novembre une déclaration mettant en cause l’incapacité du KP à examiner le rôle de la production diamantaire russe dans le financement de la guerre en Ukraine. Selon cette déclaration, la Russie et certains autres participants du KP se sont opposés à une demande visant à inclure ce sujet à l’ordre du jour. Pour la deuxième année consécutive, Moscou a également refusé de soutenir un communiqué public reconnaissant les préoccupations de l’Ukraine.
Dans le même temps, l’Union européenne a critiqué les déclarations du président du KP, Ahmed bin Sulayem, qui avait suggéré que les propositions européennes concernant les diamants russes mettaient en péril la souveraineté des nations africaines. Ces propos, jugés « regrettables » par l’UE, ont été perçus comme une entrave à des avancées significatives.
Réintégration de la République centrafricaine
Malgré ces tensions, une avancée notable a marqué la réunion de Dubaï : la République centrafricaine (RCA) a été réintégrée en tant que membre à part entière du KP après une absence de onze ans. Les États-Unis ont salué cette décision, insistant sur l’importance de garantir que les ressources naturelles de la RCA contribuent à son développement économique sans compromettre la paix fragile du pays. Toutefois, l’UE a exhorté la RCA à respecter strictement ses obligations au sein du KP.
Débat sur la centralisation en Europe
Une proposition européenne visant à centraliser le contrôle des diamants à Anvers a suscité une opposition virulente. Selon Ahmed bin Sulayem, cette idée imposerait des coûts financiers et logistiques disproportionnés aux pays africains producteurs, les obligeant à faire transiter leurs diamants par la Belgique avant d’accéder aux marchés du G7. Bin Sulayem a dénoncé cette approche comme eurocentrique et potentiellement néocoloniale, soulignant que le modèle centralisé risque de miner la souveraineté des nations africaines.
Le modèle actuel, décentralisé, repose sur un réseau de 59 nœuds à travers le monde, auxquels s’ajoute désormais l’Ouzbékistan. Ce système, selon Bin Sulayem, a fait ses preuves depuis deux décennies. En revanche, un point de contrôle unique créerait une vulnérabilité structurelle, exposant le système à des risques de corruption et d’inefficacité, comme l’a illustré le passé controversé d’Anvers dans ce domaine.
Appel à une redéfinition des diamants de conflits
Le président du World Diamond Council a exhorté l’industrie à participer à la redéfinition du concept de « diamants de conflits », un débat qui divise les membres du KP. Le Royaume-Uni, dans une déclaration publiée le 21 novembre, a également plaidé pour un engagement renouvelé du KP afin d’élargir la définition actuelle. L’objectif est de garantir que le commerce des diamants ne finance pas de conflits armés, mais promeut plutôt une gouvernance transparente et responsable des ressources naturelles.
Perspectives pour l’avenir
Malgré les divergences, le KP demeure un outil essentiel pour réduire les diamants de conflits et promouvoir des pratiques éthiques. La plateforme de certification développée par les Émirats arabes unis, présentée lors de la réunion de Dubaï, illustre le potentiel d’innovation au sein du cadre existant. Cette solution technologique vise à améliorer la traçabilité et la transparence sans compromettre la souveraineté des nations.
Alors que l’industrie diamantaire mondiale se trouve à un carrefour, la nécessité d’une collaboration équitable entre toutes les parties prenantes, en particulier les nations africaines productrices, reste cruciale. La réussite du KP dépendra de sa capacité à évoluer tout en respectant les intérêts diversifiés de ses membres.