Les bijoux anciens à l’honneur : un retour en force dans l’univers de la haute joaillerie
Il semble que les bijoux anciens connaissent un véritable regain d’intérêt dans le monde de la haute joaillerie. Alors que nous vivons dans une époque où le vintage et les créations du XXe siècle ont toujours une place de choix, ce sont les pièces bien plus anciennes – du XVIIIe et XIXe siècles – qui captivent aujourd’hui l’imaginaire des collectionneurs et des créateurs contemporains.
Ce phénomène dépasse les tendances passagères et reflète un véritable retour à la recherche de bijoux chargés d’histoire. Les styles géorgien et victorien, souvent négligés ou relégués aux collections de niche, font désormais l’objet d’une redécouverte approfondie. Cette renaissance ne se concentre pas seulement sur les signatures prestigieuses ou les grandes maisons, mais explore aussi l’histoire sociale et culturelle des époques passées, les techniques de fabrication virtuoses disparues et les pierres précieuses historiques. Les bijoux anciens, souvent associés à la royauté, à la noblesse et à des symboles de pouvoir, semblent exercer une influence de plus en plus forte sur la joaillerie contemporaine.
Lancement du livre « Divine Jewels » et la collection Albion Art
La semaine dernière, j’ai eu l’honneur de participer à des événements à l’École des Arts Joailliers à Paris, célébrant le lancement du livre tant attendu Divine Jewels – La poursuite de la beauté, publié par Flammarion. Ce magnifique ouvrage dévoile la collection Albion Art, la plus grande collection privée de bijoux anciens au monde, rassemblée au fil des décennies par Kazumi Arikawa, un éminent marchand de bijoux et expert japonais.
La collection Albion Art retrace l’histoire de la joaillerie, depuis les premières créations en Mésopotamie jusqu’aux chefs-d’œuvre de la Belle Époque, avec des arrêts notables au Moyen Âge, à la Renaissance, et à l’art nouveau. Chaque pièce raconte une histoire, des bijoux de dévotion aux créations allégoriques en passant par les opulents diamants des années 1930. Le livre, coécrit avec l’historienne renommée de la joaillerie Diana Scarisbrick, met en lumière 250 des plus grands trésors de cette collection, qui compte au total environ 500 œuvres d’art.
Les passions de Kazumi Arikawa : les pierres gravées et les diadèmes
La collection d’Arikawa est particulièrement riche en camées, intailles et diadèmes, deux de ses grandes passions. Il considère la gravure des pierres précieuses – l’une des plus anciennes formes d’art humain – comme un art noble par excellence. Quant aux diadèmes, il les voit comme des objets magiques, capables de conférer une aura presque divine à celui ou celle qui les porte. Cette approche philosophique et spirituelle d’Arikawa, nourrie par sa formation de moine bouddhiste, se reflète dans son engagement à rechercher et à préserver les plus beaux bijoux anciens.
Pour lui, le bijou n’est pas seulement un objet esthétique ; il est un pont entre l’homme et la nature, un mélange unique de matière précieuse et de savoir-faire artistique, qui allie le physique au métaphysique. C’est une quête de beauté absolue, un idéal que, selon lui, notre monde moderne a en grande partie perdu et qu’il tente de raviver à travers sa collection.
La réapparition d’un collier historique chez Sotheby’s
Par une coïncidence remarquable, cette semaine a également vu la réapparition chez Sotheby’s d’un collier exceptionnel datant du XVIIIe siècle, considéré comme l’un des bijoux les plus rares et les plus importants de cette période. Ce collier, d’une forme moderne et fluide, est composé de 300 carats de diamants taillés en brillant provenant d’une ancienne mine. La conception rappelle les éléments fonctionnels des bijoux qui dérivent souvent de fermetures de vêtements, tels que les broches ou les nœuds papillon.
Sotheby’s a évoqué la possibilité que certains de ces diamants proviennent du tristement célèbre collier qui a joué un rôle dans le scandale de l’affaire du collier de la reine Marie-Antoinette, contribuant à l’effondrement de la monarchie française à la veille de la Révolution.
Ce bijou exceptionnel, ayant appartenu aux marquis d’Anglesey et porté lors du couronnement de George VI en 1937, sera mis aux enchères en novembre à Genève, accompagné d’autres pièces royales et nobles. Andres White Correal, président de la division des bijoux nobles pour Sotheby’s Europe et Moyen-Orient, a qualifié ce collier de « ne plus ultra du XVIIIe siècle », soulignant qu’il est tout aussi séduisant aujourd’hui qu’il l’était lors de sa création il y a plus de deux siècles.
Le renouveau des bijoux anciens
Cette tendance actuelle pour les bijoux anciens est bien plus qu’un simple engouement. Elle reflète un désir profond de revenir à des objets ayant une signification, une authenticité et une histoire. Les bijoux anciens, par leur charme et leur caractère unique, incarnent souvent une connexion intime entre l’artisan qui les a créés et ceux qui les portent à travers les siècles.
Chez Larkspur & Hawk, par exemple, Emily Satloff, fondatrice de la marque, combine ses créations modernes avec des pièces anciennes, rendant hommage à son entreprise qui a débuté par la vente de bijoux géorgiens. Ce mélange d’ancien et de nouveau illustre parfaitement la résonance des bijoux anciens dans la mode contemporaine.
S.J. Phillips, l’un des marchands de bijoux anciens les plus réputés au monde, célèbre également cet héritage en organisant une exposition de la collection Jonest, qui couvre deux millénaires d’histoire à travers des bagues royales, politiques et romantiques. Ces bijoux dévoilent le rôle complexe que les anneaux ont joué dans la culture et les rituels humains, reliant les époques passées à notre monde moderne.
Conclusion : la quête de beauté et d’authenticité
Plus qu’un simple accessoire de mode, les bijoux anciens sont porteurs d’âme, de sens et d’un dévouement exceptionnel à l’artisanat. Dans un monde où l’incertitude règne, ces pièces d’histoire offrent un refuge, une continuité, et une forme d’évasion vers un passé tangible. Comme l’a souligné Kazumi Arikawa, la quête de beauté à travers la joaillerie est un moyen de réconcilier le monde physique et spirituel, de renouer avec la vérité ultime de l’univers.
Peut-être devrions-nous tous suivre cette quête, en considérant les bijoux anciens non pas comme de simples ornements, mais comme des trésors intemporels, imprégnés de la sagesse et de la beauté des siècles passés.